Principe de guerre

Publié le par S R

Ayant regardé le film "Docteur Folamour" de Stanley Kubrick récemment, puis ayant assisté à un débat qui lui a fait suite, il m'est apparu une question simple, mais qui pose problème.

Je comprends le film comme étant une critique de l'utilisation du nucléaire et de la stratégie de la dissuasion. La fin du film suggère l'échec de cette stratégie. La réalité qui a fait suite au film de 1964 donne en partie raison à son réalisateur puisque les grandes puissances ont abandonné cet affrontement, cette course aux armements.

Dans le même temps, et ce depuis quelques dizaines d'années, les nations ont participé à la mise en place d'entités permettant la collaboration entre elles (SDN, ONU, ...). On peut considérer que ces assemblages visent à la pacification du monde, et représentent une victoire partielle des pacifistes sur les bellicistes. L'usage des armes est toujours possible, soit directement (casques bleus) soit indirectement (intervention étatique, de l'OTAN, ... sous mandat de l'ONU), mais il est voulu limité, le principe étant la protection des civils, la pacification, et non plus la conquête (territoriale ou autre).

Toutefois, ces organisations faillissent aujourd'hui face à l'émergence de troupes de bandits dont les exactions sont transfrontalières (Daesh), voire internationales par dissémination idéologique s'instanciant localement (Aqmi, Aqpa), agissant à distance (Charlie Hebdo). Si l'utilisation des mécanismes d'intervention de l'ONU est envisageable pour cibler des groupes de bandits armés pour enrayer leur expansion, il semble que leur mission ne soit pas efficace, ni celle des armées des nations, car ces groupes se délitent et se reforment au gré du temps.

En fait, c'est le contraire qui apparaît : même si une guerre mondiale paraît improbable aujourd'hui, la réduction de la taille du monde du fait des progrès technologiques rend quelques individus capables de commettre des actes atroces sur des distances très grandes, capacité qui n'est désormais plus le privilège des nations. Ainsi, peu importe comment nous luttons contre ce mal : c'est comme s'il était inextricablement lié à l'humanité, à certains de ses individus, et que de ce fait, peu importent les mécanismes que nous inventons, nous portons en nous le germe de notre propre cancer.

Certains auteurs (...) nous présentent des sociétés dans lesquelles l'être humain est identifié comme la source des problèmes, et c'est donc chaque individu qui est traité de manière préventive afin d'éviter de répandre le mal dans la société. Ces constructions partagent généralement un point commun : le traitement infligé aux individus provoque alors une perte plus importante que celle imaginée à l'origine et se pose alors la question de la moralité de cette ablation massive d'une partie de notre humanité.

D'autres auteurs (Ian M. Banks, cycle de la culture) nous présentent des sociétés qui ont franchi le cap de l'autodestruction immédiate ou de l'implosion, mais ce franchissement n'est pas expliqué, il est généralement acté. Et il ne règle pas tout, d'autres problèmes subsistent.

D'autres encore (Robert Reed, La voie terrestre) nous font constater l'amère dualité de l'homme comme deux faces indissociables d'une même pièce, chaque face pouvant exister en concurrence avec l'autre, mais l'une ne pouvant exclure l'autre.

Au final, l'échec, point commun de ces constructions romanesques, nous amène à la conclusion que le genre humain n'est pas dissociable du germe du mal qu'il porte, et que, par conséquent, il est illusoire de croire un jour se débarrasser de ce mal, et donc de la guerre, sans devoir perdre une partie de notre humanité.

Autrement dit, la fin de la guerre et des formes de violences comme le grand banditisme terroriste international n'est ni pour demain ni pour après-demain. Et si nous disposions de la solution ayant l'impact minimal sur notre espèce, et nous garantissant paix et survivance à la fois, oserions-nous la mettre en œuvre ? Devrions-nous le faire ?

Publié dans phi, ciné

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